Patrimoine

Rencontre avec Xavier Leloup

Après la sortie des deux premiers tomes épiques de sa saga littéraire Les Trois Pouvoirs, Xavier Leloup démontre que l’Histoire médiévale de la France, outre qu’elle est passionnante, est un vivier d’intrigues aux enjeux historiques et politiques immenses. En France, ils rendue célèbre par Shakespeare et à laquelle Boucicaut participa. Mais qui connaît, finalement, Boucicaut ?

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« La plus grande des batailles est sans doute celle de la postérité »

Le chevalier Jean II Le Meingre, dit Boucicaut (1366-1421), né et inhumé à Tours il y a 600 ans, apparaît dans les romans du Tourangeau Xavier Leloup.

Entretien avec Xavier Leloup qui s’apprête à publier son tome 3 intitulée La Reine de Fer le 4 octobre, publié aux éditions La Ravinière qu’il a créées à cette occasion et imprimé à Tours selon des critères écoresponsables, ce qui est toujours bon de souligner.

Que vous inspire la défaite d’Azincourt ?

Que l’image conservée de cette bataille par le grand public, défavorable aux Français, est assez éloignée de la réalité. Il s’agit, certes, d’une lourde défaite pour le royaume des lys, qui voit la fine fleur de sa chevalerie décimée en seulement quelques heures par les archers anglais. À Azincourt, c’est une grande partie de la noblesse française, et en particulier la noblesse du nord, qui disparaît. Mais si on prend le temps d’examiner les rapports de forces entre les deux camps au moment où le combat s’engage, on s’aperçoit que notre situation n’était guère enviable : un roi fou, un royaume divisé, et des troupes harassées de fatigue qui attendront jusqu’au dernier moment des renforts qui ne viendront jamais. Notre fameuse supériorité numérique n’est d’ailleurs que relative : 12 000 combattants d’un côté, 9 000 de l’autre.

En dépit de leurs erreurs et des coups du sort, de la défaite, les Français vont faire preuve de vaillance. On l’oublie souvent mais à l’exemple de Boucicaut, des chevaliers accourus de tout le royaume se sont sacrifiés pour un royaume qu’il considérait en danger. On trouve là, quelques vingt ans avant l’arrivée de Jehanne d’Arc, la première expression d’un sentiment patriotique. Or de cette bataille, Shakespeare va s’emparer pour construire une légende. Mieux, un mythe fondateur de la nation anglaise. Les Anglais vont ainsi passer du statut de prédateur à celui de proie, d’agresseurs à celui d’agressés. Un comble, quand on pense qu’ils viennent de s’emparer de la ville d’Harfleur et cherchent à nous envahir. Au contraire des Français, ils disposent en outre d’une armée expérimentée et disciplinée, quasi professionnelle, dont Henri V saura parfaitement tirer parti. Par la force du génie shakespearien, c’est pourtant ce récit qui va finir par s’imposer à l’Angleterre et partant, aux Français eux-mêmes.

Quelles leçons en tirer ?

Que la plus grande des batailles est sans doute celle de la postérité. Napoléon et les rois de France l’avaient bien compris, qui prirent soin de mettre en scène leurs exploits de leurs vivants. Le pauvre Charles VI en était malheureusement bien incapable, prisonnier qu’il était de sa folie et je dirais, à la fin de son existence, de sa mélancolie. Je crois aussi que les Français n’ont pas toujours conscience de l’image que véhicule leur passé médiéval. La France, ce n’est pas que la Révolution française. Ce sont aussi les rois de France, les cathédrales, les châteaux forts, la chevalerie ; les aventuriers intrépides de la trempe de Boucicaut. Et quoi qu’on en pense, cette histoire-là fascine. Il n’y qu’à voir comment la saga des Game of Thrones (avec elle tout le genre de la Fantasy) s’en est servie pour construire ses propres mythes.

Le 3ème tome de la saga des Trois Pouvoirs, La reine de fer, est sur le point de paraître. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

Ce nouvel opus commence au lendemain de la défaite Azincourt. À l’image de mon héros, le chevalier Guillaume de Gaucourt, la France panse ses plaies. Mais Jean Sans Peur n’a rien perdu de ses ambitions et compte bien profiter de cette défaite pour s’emparer du pouvoir vacillant du roi Charles VI, quitte pour cela à s’allier avec Henri V, le conquérant anglais. Il verra toutefois se dresser sur sa route un redoutable adversaire : Yolande d’Aragon, la « reine de fer », qui va tout faire pour l’empêcher de s’emparer de Paris et du nouveau Dauphin, le futur Charles VII.Certains personnages vont disparaître, d’autres, comme Yolande d’Aragon, s’affirmer. Le décor est ainsi planté pour l’arrivée de ma nouvelle héroïne, une jeune fille qui se dit choisie par Dieu pour l’accomplissement d’une grande mission…

Avec ce 3ème opus, j’ai voulu donner au lecteur ce qu’il en droit d’attendre d’un roman d’aventures : des scènes de tournoi et des combats héroïques, des duels acharnés, du complot, du complot dans le complot, de l’amour aussi. Je me suis enfin attaché à maintenir le suspense jusqu’à la dernière page en laissant planer l’incertitude sur le sort des personnages, qu’ils soient bons ou mauvais.

Vous avez créé à Tours les éditions La Ravinière pour vous publier vous-même et vous avez fait aussi appel à une imprimerie tourangelle (Vincent Imprimeries). Pourquoi ce choix finalement très « circuit court » alors que vous auriez pu être édité dans une « grande » maison ? Et pourquoi ce nom La Ravinière ?

Ma maison d’édition publiant des romans historiques, il m’a paru naturel de vouloir l’enraciner. Raison pour laquelle je l’ai baptisée « La Ravinière », du nom de la maison familiale dans laquelle j’ai grandi et qui se situe à Rochecorbon, à quelques encablures seulement de l’abbaye de Marmoutier. Signe du destin ou simple coïncidence, j’ai d’ailleurs découvert que cette gentilhommière bâtie à flanc de coteau et pour partie troglodytique, typiquement tourangelle, avait appartenu à un certain seigneur de Beaugé, du nom de la célèbre bataille remportée par Charles VII sur les Anglais.

Quant à Vincent Imprimeries, il s’agit d’abord d’un choix du cœur : quoi de plus naturel, pour un auteur né à Tours, que de recourir à une entreprise qui met à l’honneur le savoir-faire tourangeau depuis maintenant trois générations ? Mais c’est aussi le choix de la raison. Travailler avec les acteurs locaux relève pour moi du bon sens. C’est à la fois plus logique du point de vue économique et le plus vertueux du point de vue de la protection de l’environnement.

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