Le retrait des troupes de la ville s’opère progressivement début mars 1871 après quelques semaines d’occupation. Tours est même capitale de la France lorsque le gouvernement doit fuir Paris assiégée.
La participation de la ville dans les jours qui suivent la déclaration de guerre à la Prusse, le 19 juillet 1870, se limite à l’accueil des blessés. La municipalité et l’hôpital mettent à disposition un grand nombre de lits auxquels s’ajoutent les initiatives privées telles que celles de l’archevêché ou du lycée (Descartes). Tours va tenir un rôle central à partir de septembre 1870, dans les jours qui suivent la défaite de Sedan, la chute du second Empire et la proclamation de la IIIe République.
Ci-contre : Les Prussiens autour de la statue de Descartes au sud du pont de pierre, par A. Chevallier, 1871. © Musée des Beaux-Arts de Tours / Repro Dominique Couineau
Le gouvernement de la Défense nationale doit fuir Paris encerclée par les troupes prussiennes. La cité tourangelle présente un triple avantage : sa position centrale, son excellente desserte par le chemin de fer et le flegme réputé de ses habitants. Les délégations ministérielles s’installent : la justice à l’archevêché, le délégué du gouvernement au lycée, la marine et des colonies à l’Hôtel du Grand Commandement... Les délégations diplomatiques, la presse nationale, la météo, la Banque de France et les députés se mêlent aux réfugiés fuyant l’avancée prussienne.
Gambetta ne manque pas d’air
Le 7 octobre 1870, le ministre de l’Intérieur Léon Gambetta décolle de Paris dans le ballon-poste Armand-Barbès pour rejoindre Tours. C’est la seule possibilité de quitter la capitale. L’équipage échappe aux tirs mais l’aérostat est pris dans les branches d’un chêne à une soixantaine de kilomètres au nord de Paris. Gambetta rejoint Amiens par la route, puis le train. Le chemin de fer le conduira de Rouen à Tours où il arrive... deux jours plus tard le dimanche 9 octobre. Il participe au conseil du gouvernement, puis se rend à la préfecture où il rencontre le célèbre patriote italien Garibaldi, venu offrir son aide à la France. Le souffle épique du discours public de Gambetta, sur le perron de la Préfecture, enflamme la foule. La ville est alors le centre d’une intense animation. L’envoyé spécial de l’hebdomadaire britannique The Illustrated London News décrit l’ambiance en ces termes dans l’édition du 29 octobre 1870 : « une foule hétéroclite de civils, de militaires et d’autres individus un peu plus agités envahissent la rue Royale [aujourd’hui rue Nationale NDLR]. Un personnage à la mine renfrognée, avec un mouchoir sur la tête, est prudemment désarmé par les officiers. Il est ivre et fait partie des vagabonds qui ne manquent pas d’apparaître en ces temps troublés. Les francs-tireurs et d’autres supplétifs habillés de costumes fantaisistes se mêlent aux humbles bourgeois et aux élégants officiers de l’armée régulière ».
Tours occupée, Tours endettée
L’avancée prussienne inexorable (Orléans tombe le 11 octobre, Châteaudun est bombardée du 18 au 20 octobre) incite le gouvernement à quitter Tours pour Bordeaux le 9 décembre. Le 21 décembre, des cavaliers prussiens tentent une incursion depuis Saint-Symphorien, par la place Choiseul et le pont de pierre. Ils sont arrêtés par la foule place de l’Hôtel-de-Ville (Anatole-France), des coups de feu claquent. Repoussés, les soldats ouvrent une canonnade depuis le coteau de Saint-Symphorien. Plusieurs obus touchent l’Hôtel de Ville, le musée et tuent onze civils.
Le maire, Eugène Goüin, fait preuve d’un admirable courage et se rend avec deux adjoints au-devant de l’ennemi pour faire cesser les tirs. Les troupes prussiennes occupent la ville à partir du 19 janvier 1871 pendant près de deux mois. Eugène Goüin parvient, dans un premier temps, à alléger les conditions et obtient la libre circulation des convois alimentaires. Il ne pourra empêcher l’occupant d’exiger le paiement d’une indemnité à laquelle s’ajoutent les frais d’hébergement et de nourriture du général en chef et de 500 officiers, soit un total de 2 millions de francs. Prise à la gorge, la municipalité devra signer un emprunt et lancer une souscription publique.
Conseiller général, député, puis sénateur inamovible, le maire demeure avec sa famille à l’Hôtel Goüin (rue du Commerce), acquis par ses ancêtres banquiers au XVIIIe siècle. Il résidera également au château de la Plaine à Fondettes, commune dont il sera maire à partir de 1884. En 1872, Eugène Goüin contribue à la fondation de la Banque de Paris et des Pays-Bas (future BNP Paribas), créée pour financer l’emprunt national destiné à rembourser la monumentale indemnité de guerre imposée par la Prusse à la France, 5 milliards de francs, soit 25 % du produit intérieur brut.
Le pont ferré de Saint-Cosme est dynamité le 15 janvier 1871 par les Français pour freiner l’invasion prussienne. Après réparations, les trains ont pu y circuler fin 1871. Extraits d’un ensemble de clichés du photographe tourangeau Gabriel Blaise. © Bibliothèque municipale de Tours / Repro François Joly
« Laissez-passer et circuler librement » du 28 janvier 1871 pour un dénommé Langereau et sa famille. Au verso, une note manuscrite de la Kommandantur de Tours. La traduction a été faite en 2020 par le centre-franco-allemand de Touraine : « Peut passer à Joué avec sa famille (composée d’une femme et d’un enfant) et doit rentrer à Tours à 4h au plus tard. Valable pour le 28 janvier 1871. » © Société Archéologique de Touraine
Des soldats prussiens prennent la pause début 1871 dans le studio du photographe Gabriel Blaise, situé rue de la Préfecture. © Archives départementales d’Indre-et-Loire