Imaginés dans les années 80 comme un technopôle, les Deux Lions poursuivent leur transformation en quartier mixte. Un contexte qui laisse une marge de manœuvre pour améliorer le quotidien des habitants, des salariés et des étudiants.
Ci-contre : L’aménagement de l’avenue Marcel-Mérieux, entre l’Heure Tranquille et le cinéma, est soumis à réflexion. Le dessin est une piste et n’a rien de définitif. © Colas Vienne-Chantier graphique Atelier Ruelle
Dans la savane, la girafe, animal souple et gracile, a dû évoluer pour survivre. Son seul véritable prédateur est le lion. Dans le quartier situé entre la Gloriette et le lac de la Bergeonnerie, ils apprennent à cohabiter. Courant janvier 2022, deux girafes en acier galvanisé imaginées par l’artiste Fred Chabot rejoindront bientôt les deux lions sculptés de Bachir Hadji et Alain Pouillet. Les longs cous des mammifères jailliront dans les semaines à venir de la « faille » entre les bâtiments du Crédit Agricole et ceux de la Mutuelle Générale des Affaires Sociales, au rond-point James-Watt. La commande artistique de la Société d’Équipement de Touraine (SET), aménageur de la ZAC des Deux Lions depuis 1989, est loin d’être anecdotique. Elle est le symbole du « grand écart » entre la zone d’activités économiques voulue dans les années 80 par l’ancien maire Jean Royer et les « Deux Lions », quartier devenu mixte après l’échec du technopôle.
« Cette histoire permet d’expliquer ses particularités et ses dysfonctionnements quand il y en a », rappelle Clément Mignet, le directeur de la SET. La société a missionné l’Atelier Ruelle, qui accompagne les transformations des villes et des territoires, pour faire des Deux Lions un « quartier aimable » avec un véritable « cœur » souhaité par les habitants. L’Atelier Ruelle a remis en 2018 un « plan guide » qui sert de feuille de route à l’aménageur.
« Aux Deux Lions, nous voulons répondre à trois enjeux : les mobilités, les commerces de proximité et la qualité des espaces publics. »
Emmanuel Denis, maire de Tours.
La municipalité a souhaité agir concrètement pour améliorer le quotidien de la population en répondant à trois enjeux : les mobilités, les commerces de proximité et la qualité des espaces publics. Fidèle à son engagement de co-construction, elle s’appuie sur ceux qui vivent ici : les étudiants, les résidents, les commerçants, les salariés. Une première réunion publique (en visioconférence en raison des contraintes sanitaires) a réuni une centaine de personnes le 16 avril dernier. Elle a permis de poser les enjeux et de lancer la phase de coconstruction sous la forme d’ateliers dont la première édition s’est déroulée le 18 juin dernier.
Une demande de commerces de proximité
En matière de commerces, la nouvelle municipalité a fait le choix d’abandonner le projet d’extension du centre commercial l’Heure Tranquille, envisagée par la municipalité précédente, car « elle n’était pas adaptée aux besoins du quartier », rappelle Iman Manzari, adjoint délégué au commerce. Pour autant, la Ville n’a pas renoncé à l’implantation de commerces de proximité. « À l’appui d’expertises, nous travaillerons avec les habitants pour savoir quelles suites donner à ces études ». Et le marché hebdomadaire ? « Il a fait un "flop" car cela ne correspondait pas réellement aux besoins. Les ateliers avec les habitants sont l’occasion de vérifier si ceux-ci s’expriment ». La SET va s’appuyer sur l’expertise du bureau d’études Iprocia (Orléans) en matière de déplacements, de plans de circulation, de cheminements doux et de régulations du trafic. L’adjointe déléguée aux transitions des mobilités, Armelle Gallot-Lavallée, estime ainsi que le stationnement « un peu anarchique voire parfois illicite » est « une vraie préoccupation » des habitants. Elle indique aussi avoir été saisie par la directrice de l’école Simone-Veil au sujet de la vitesse excessive des véhicules avenue Édouard-Michelin. Pour les faire ralentir, un plateau surélevé a été aménagé à la rentrée par la SET.
En matière de déplacements à vélo, la piste cyclable devrait être réaménagée le long de l’avenue Pont-Cher. Le principal atout des Deux Lions, c’est son environnement proche composé d’espaces naturels de qualité. « Ce qui fait défaut, ce sont les espaces publics de proximité », rappelle Annaelle Schaller, adjointe déléguée à la démocratie permanente. En juin dernier, une quarantaine de volontaires ont « planché » autour de quatre espaces publics : le jardin des Granges Collières, l’avenue Marcel-Mérieux, entre le centre commercial l’Heure Tranquille et le cinéma, la « coulée de Lesseps », le long de la voie du tramway et le futur jardin que la municipalité a souhaité rendre aux habitants entre les bâtiments du futur « campus » le long de l’avenue Pont-Cher.
« Nous souhaitons créer des lieux de rencontres pour les habitants et renforcer cette vie de quartier qui leur donnera les conditions d’imaginer des projets ensemble. » Cathy Savourey, adjointe déléguée à l’urbanisme et aux grands projets urbains.
Ci-contre : Le long de l’avenue Pont-Cher (à gauche), entre les deux futures écoles d’enseignement supérieur et de la résidence étudiante, un jardin public sera aménagé dans l’esprit de cette perspective 3D. © Bouygues Immobilier/Tétrac/Spectrum
Le pôle d’enseignement supérieur se renforce
Le pôle d’enseignement supérieur des Deux Lions va en effet se renforcer avec l’arrivée de deux importants programmes. Le « campus » sera livré en 2023 avec deux écoles d’enseignement supérieur sur trois et quatre étages et une résidence étudiante sur cinq étages. Il s’agirait d’un déménagement pour des établissements déjà implantés aux Fontaines. La reconfiguration de ce quartier, avec l’arrivée de la deuxième ligne de tramway, concerne directement les bâtiments qui les abritent actuellement. Les travaux débutent en cette fin d’année pour une livraison attendue à la rentrée 2023. Une troisième école d’enseignement supérieur est en chantier avenue Édouard-Michelin, entre la résidence étudiante et les locaux techniques de la Ville. Elle sera livrée en septembre 2023. La municipalité a souhaité des réajustements du permis de construire avec une architecture bioclimatique (ossature et menuiseries en bois, isolation paille), récupération des eaux de pluies pour les plantations, occultation du vitrage du rez-de-chaussée, choix de végétaux plus résistants aux sécheresses…
Ci-contre : La future école d’enseignement supérieur sera livrée en septembre 2023 à l’angle des rues Édouard-Michelin et Émile-Aron. ©MU Architecture-Jeudiwan
« Nous organiserons une réunion d’information par an pour vous tenir au courant des avancées, avec une partie d’ateliers de travail où les habitants pourront co-construire certains projets. » Annaelle Schaller, adjointe déléguée à la démocratie permanente.
Faire la ville ensemble
Le 26 novembre prochain, lors de la deuxième réunion avec la population volontaire, l’Atelier Ruelle aura couché sur papier les différents scénarios imaginés par les habitants pour les quatre sites identifiés. Début 2022, la feuille de route du quartier aura alors pris forme. « Faire la ville ensemble, c’est un engagement fort de notre municipalité, avait rappelé le maire Emmanuel Denis, avec une réponse nécessaire à ces défis importants que sont la transition écologique et la réduction des inégalités ».
Ci-contre : Le 18 juin, lors de l’atelier avec les habitants et les élus à Polytech, ici les adjoints Florent Petit et Betsabée Haas. © Ville de Tours - DGPU
Les Deux Lions en chiffres :
- 6 000 étudiants
- 5 000 salariés
- 70 entreprises
- 50 commerces
- 4 000 habitants
- 2 400 logements (dont 600 sociaux)
Ce qu'ils en disent
Thomas Gottschling est chargé de mission dans un service public installé aux 2 Lions.
« Les Granges Collières ont un potentiel encore peu exploité »
« J’ai découvert les 2 Lions en 2016 lorsque j’ai démarré mes études en droit. C’est un quartier dans lequel je me projette et j’aimerai bien y habiter. Je réside actuellement en centre-ville à 15 mn de tramway. C’est un bon compromis entre l’animation d’une ville et le calme de la campagne même s’il manque un peu d’animations en soirée ou le week-end. C’est lors de mon Master 2 Droit et Gestion Publique Locale et de mon engagement dans une association étudiante que j’ai ouvert les yeux sur l’importance de l’investissement citoyen et de la démocratie participative. J’ai participé à l’atelier consacré au jardin des Granges Collières. Alors que j’étais étudiant à la faculté de droit, on sortait juste en face et, à l’époque où il était totalement clôturé, on se demandait toujours si on pouvait y aller pour un pique-nique le midi. Après son ouverture au public [en 2017 NDLR], on y déjeunait l’été avec des repas à emporter achetés au restaurant universitaire ou à l’Heure tranquille. C’est un jardin en creux dont les accès ne sont pas forcément très visibles. Lors de l’atelier, beaucoup d’idées ont été formulées pour dynamiser ce jardin dont le potentiel est encore peu exploité : repositionner l’entrée accessible aux personnes à mobilité réduite du côté du tramway et de l’aire piétonne, installer des bancs et des tables, créer un « tiers lieu » pour permettre aux différents usagers du quartier (étudiants, salariés, habitants) de se rencontrer voire créer un bar associatif dans l’esprit du Bateau Ivre, un espace scénique extérieur pour que les structures culturelles hébergées puissent faire des répétitions publiques, etc. Un participant a même proposé d’y installer un totem monumental qui servirait de repère dans le quartier comme le Monstre de la place du Grand Marché… Nous sommes partis d’une feuille blanche sur laquelle nous avons jeté nos idées sans apriori. »
Baptiste Charlet est étudiant en 4e année au Département Aménagement & Environnement de l’école d’ingénieurs Polytech.
« A la fin de l’atelier, nous sommes tous tombés d’accord pour qu’il y ait plus de places aux piétons et vélos »
« A l’issue de mes études, j’aimerai travailler dans une collectivité sur les questions de réhabilitation de quartier ou de planification territoriale. J’habite Joué-lès-Tours et j’étudie depuis 2 ans à Polytech. L’année prochaine, je dois faire un stage à l’étranger et j’aimerai aller dans les pays du Nord (Hollande, Norvège, Suède ou Danemark) car ils sont très en avance sur les questions de mobilités douces en ville. Je trouve le quartier des 2 Lions plutôt moderne et agréable. Je me suis intéressé à l’avenue Marcel Mérieux car je le pratique en tant que piéton, cycliste et automobiliste et c’est vrai que, quel que soit le mode de transport, la traversée entre l’Heure Tranquille et le cinéma n’est pas simple. Quand on est piéton et cycliste, on ne se sent pas en sécurité car il n’y pas de traversée matérialisée ou sécurisée et le passage par le parking du cinéma, n’est pas terrible… En tant qu’automobiliste, il faut aussi être attentif aux traversées des piétons et vélo et la circulation est parfois plus compliquée quand des camions de livraison stationnent sur l’avenue pour livrer les commerçants de l’Heure Tranquille. J’ai trouvé l’exercice des ateliers de co-construction vraiment intéressant sur le principe se retrouver autour d’une carte avec des « post ‘It » et des photos pour imaginer les futurs aménagements, le mobilier urbain, d’aménagements paysagers… A la fin de l’atelier, nous sommes tous tombés d’accord pour qu’il y ait plus de places aux piétons et vélos. La question qui reste à trancher, c’est faut-il maintenir la circulation automobile ou pas ? »
Catherine Cornette est présidente du comité de quartier Vivre les 2 Lions.
« Une perspective magnifique vers la Gloriette à préserver »
« L’avenue Marcel Mérieux a besoin d’être aménagée car c’est un lieu où l’on passe sans forcément s’y attarder. Il y a bien des « espaces verts » mais on ne s’en rend pas compte car rien n’est fait pour que l’on s’y allonge ou s’y détende. L’avenue est une zone 30 km/h mais cela n’est pas forcément perceptible car rien n’est fait pour ralentir les voitures dans cette rue très large. Je suis d’accord pour que l’on y crée de la végétalisation, que l’on donne envie d’y pique-niquer, que l’on favorise la circulation des vélos et que l’on sécurise celle des piétons… MAIS, il faut impérativement y préserver la circulation automobile sinon ce sera la catastrophe ! Aux 2 Lions, certains axes comme l’avenue Édouard-Michelin sont saturés aux heures de pointe et certains automobilistes utilisent l’avenue Mérieux, qui sert de délestage. J’habite les 2 Lions depuis 2004 et je préside le comité de quartier depuis 2020. Notre inquiétude principale, c’est la « bétonnisation » du quartier et nous avions été horrifiés par le projet d’extension du centre commercial l’Heure tranquille [stoppée par l’actuelle municipalité NDLR]. Nous avons une perspective magnifique en direction de la Gloriette qu’il faut à tout prix préserver ! »